Voici une anecdote que j’avais vraiment hâte de vous raconter. Pas que je manquais de temps pour vous l’écrire mais c’est seulement que cette anecdote, elle n’était encore jamais arrivée. Il m’aurait fallu vous l’inventer et je manque trop d’imagination et je suis trop paresseuse pour vous pondre de la fiction. Alors j’ai patiemment attendu qu’elle se produise. Et elle s’est produite.
Nous espérions ce souper depuis un bon moment mais le temps qui file et la vie qui galope nous gardaient loin de nos espoirs. Puis finalement, Fifine et moi avons stoppé la course folle et, le soir d’un jeudi de janvier, nous nous sommes attablées devant quelques martinis et une bouteille de vin! Délices!
Comme ça faisait un bon moment qu’on ne s’était pas vues, il y avait bien du potin à mettre à jour. Et les enfants, et le travail, et la dernière diète, et les séances de gym et, bien entendu, les amouuuuuurs!!
– Mais Fifine mon Dieu, pourquoi tu restes fichée avec ce mec? Mais oui il est propre, gentil, presqu’autonome, il se brosse les dents tous les jours, il a un travail, une maison, une grande gueule et il lui arrive même de sortir les poubelles. Il est ben fin mais….. ça fait des années que tu n’es plus heureuse. Pourquoi tu te fais ça?
– Oh tu sais, m’a dit Fifine, c’est pas si facile rencontrer quelqu’un. En fait, je suis terrifiée à l’idée que ça n’arrive plus jamais.
Alors là, il faut connaître Fifine. Belle femme, accomplie d’un bout à l’autre, fonceuse, souriante, avec une carrière à envier mais qu’on ne peut pas jalouser parce qu’elle est tellement gentille et adorable. Tout le monde l’aime. Et je demeure convaincue qu’une armée d’hommes ne demande qu’à se jeter à ses pieds mais qu’ils s’en gardent, simplement parce qu’ils sont persuadés qu’ils n’ont aucune chance avec une fille de sa trempe.
– Alors il est où le problème ma Fifine?
Et la conversation continue, et le vin descend et tout à coup, Fifine me dit : « C’est pas tout! » Avec ce grand soupir que je connais si bien. Celui que j’aie moi-même si souvent eu. Cette vaste bouffée d’air qu’on collecte pour aller cueillir aux tréfonds de ses entrailles notre petit infâme afin de lui donner la poussée qu’il faut pour le faire sortir par notre bouche sans qu’il ne nous arrache la moitié du cœur. J’ai reconnu tout de suite ce grand coup de vent. Celui des aveux. Le Mistral qu’on s’expulse des poumons comme on vomirait une poignée de clous.
– En fait, ce qu’il y a, m’a-t-elle courageusement confié, c’est que Propret à l’herpès. Il me l’a dit dès le début, m’a expliqué qu’il n’était contagieux que lorsqu’il était en crise (bon on sait que ce n’est pas tout à fait ça mais je vous passe les considérations médicales pour ce billet) et il a toujours fait attention de ne jamais me mettre en danger. Mais voilà! Il y a quelques années, sans qu’on sache trop pourquoi ni comment, je me suis retrouvée avec un douloureux bouton qui avait toutes les apparences de l’herpès. Mais comme il n’était pas situé directement sur mes parties génitales et que je ne suis jamais allée me faire diagnostiquée, je n’ai jamais su si c’était vraiment ça. Et maintenant, je me sens incapable de m’engager dans une nouvelle relation sans savoir. Et encore moins capable de le dire à quelqu’un s’il s’avère que c’est bien ça! Alors je reste avec lui! Pour ça!
Oh que ça doit sonner comme du déjà-vu pour certains d’entre vous. Chez nous on appelle ça se vendre à rabais. Et croyez-moi, Fifine n’a aucune raison de se liquider ainsi. Ni personne d’ailleurs!
Mais en ce qui me concerne, j’étais aux petits oiseaux! Youppi youp que je gazouillais en moi-même. Fifine et moi on est copines mais elle ne faisait pas partie du cercle des initiés, ceux qui connaissent mon secret. J’avais tellement hâte d’avoir mon tour pour lui faire la joie de le lui avouer. J’avais l’impression de lui faire le plus beau des cadeaux. Après avoir été un Ange, je devenais la Mère Noelle de l’herpès! On se valorise comme on peut me direz-vous! Eh ben oui!
Croyez-le ou non, lorsque j’ai dit à Fifine qu’on partageait le même petit ami, elle en a versé une petite larme. Personne, pas même ses amies proches, ses parents, sa famille ne savait pour son secret. Personne sauf son Propret. Et là, le jour où elle se décide enfin à se confier, qui vient cueillir son douloureux secret? Moi. Nitouchka. Mooooâ! MOI! MOI! MOOOOOÂ!!
J’étais guillerette comme une jouvencelle. J’étais tellllement contente parce que je savais que j’allais lui faire un bien fou. Et ne vous méprenez pas, ce n’est rien de vaniteux, c’est simplement, et vous le savez, qu’on se sent si seule avec notre petit ami. Alors je pouvais la soulager du poids énorme de la solitude et j’étais infiniment heureuse de pouvoir faire ça pour elle. Je l’aime beaucoup ma Fifine.
En fait le cadeau, c’est moi qui l’ait eu. Je rêvais du jour où quelqu’un allait m’annoncer qu’il avait l’herpès et que j’allais pouvoir lui dire que MOI AUSSI. Avouez! On rêve tous de rencontrer quelqu’un et, avant qu’on ait à lui dire pour notre coloc, ce soit lui ou elle qui nous dévoile leur petit secret. Bon d’accord. Dans mes rêves j’imaginais plutôt un mec mais n’empêche, la réalité s’est avérée cent fois mieux que ma fiction.
Après avoir discuté de ses visites chez le médecin et des résultats des tests, il s’avère que Fifine a bel et bien l’herpès. Et qu’elle devra un jour le dévoiler à un prétendant. Et ce jour là, parce qu’elle a enfilé son costume de Madame Courage et qu’elle s’est confiée, elle aura quelqu’un pour la coacher et l’appuyer dans le douloureux processus du D-É-V-O-I-L-E-M-E-N-T! Comme quoi on ne gagne rien à se murer dans la peur du rejet. Le risque ce n’est pas seulement celui de se casser la gueule.
D’ailleurs, il fallait l’entendre ma Fifine. J’avais l’impression qu’aucune diète au monde n’aurait pu la rendre plus légère. Sa plus grande peur bien entendu, c’est celle du rejet. Vous la connaissez. Elle m’a demandé chacun des mots que j’avais utilisés pour l’annoncer à mon nouveau Chevalier Servant. Et il me fallait faire dans le détail extrême.
Je l’ai donc envoyée ici. Nous serons sa lecture de chevet pour un moment.
Allo ma Fifine! Je t’aime! ❤
10 commentaires
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février 6, 2013 à 1:22
Mariposa
Je me suis retrouvée à la place de Fifine déjà, à moindre échelle toutefois, car j’en avais parlé à de bons amis à moi…
C’est fou le soulagement qu’on peut ressentir à entendre quelqu’un nous répondre : «bienvenue dans le club», alors qu’on lui avoue cette partie de nous-même, et qu’on ne soupçonne aucunement que cette personne vit avec ce coloc elle aussi!
février 6, 2013 à 2:00
Nitouchka
Et comment! ça ne m’est encore jamais arrivé mais j’avoue que ça me ferait plaisir!
février 22, 2013 à 11:35
Bibi
C’est ce qui prouve que la statistique est juste !
Souvent, au gym ou dans un lieu public, je m’amuse à compter…
1,2,3,4…5 (celui-là l’a)…1,2,3,4…5 (ah, celle-là l’a!)
Aussi, l’autre jour je disuctais avec 3 copines autour d’une bouteille de vin et deux d’entre elles parlaient de feux sauvages qu’elles avaient déjà eus sans savoir que le miens est plutôt au niveau inférieur! 😉
La 3e elle n’en a jamais eu.
Bref, si on fait un peu de mathématiques, voilà ce que ça donne :
2/4 on l’herpès labial = 50 %
1/4 a le compagnon dans la culotte (moi) = 25 %
1/4 est « pure » selon l’info que j’ai = 25 %
Ça m’a bien fait rigoler silencieusement, car je venais de confirmer la statistique ! J’ai pris une gorgée à la santé de cette constatation!
mars 3, 2013 à 6:47
Guy Leduc
Curieusement, dernièrement, un de mes »visiteurs » masculin du groupe de soutien herpès m’a avouer qu’il avait vécu le même situation, mais en version 100% masculine. L’histoire ferait un très bon billet car on parle d’un M. le militaire soldat qui dévoile son secret à son meilleur chum tatoué style »Sons of anarchy » (pour ceux qui connaissent cette série télé américaine). Imaginé l’image lorsque M.militaire soldat apprend de son grand chum tatoué qu’il est lui aussi de l’herpès. Imaginé, un soldat et un tatoué qui ont le même petit coloc en commun.
Depuis que je suis animateur du groupe de soutien, je suis jeter par terre par le nombre de fois que ce scénario se répète ce qui confirme pas mal les statistiques de Bibi ci haut. Et cela, même pour nos soldats des forces Canadiennes ainsi que nos sosies de motards.
Pour les intéressés et surtout Fifine, le groupe de soutien herpès de Montréal se tient toujours les premiers vendredi du mois. Les rencontres ont lieu à 19h30 au 5410 2ième avenue (coin masson) à Montréal Vous pouvez trouver l’information via ce lien : https://www.itsrencontres.com/std_info.php
mars 22, 2013 à 5:31
Maeva A.
Bonjour à toutes et à tous !
Je ne sais pas si vous vous rappelez, j’avais laissé un commentaire en 2009… Cela faisait un an que le coloc était dans ma vie… Bref de l’eau a coulé sous les ponts depuis, si vous me permettez l’expression!
Je suis maintenant infirmière, et vous savez, quand on est infirmière, nos amis ont tendance à tous nos confier leurs petits bobos. Et dernièrement, une bonne amie m’a avouée qu’elle avait le fameux H !! Comme toute bonne infirmière, je lui ai donné toutes les informations possibles et je l’ai rassurée que ce n’est pas si pire que ça…
Quelques temps plus tard, on passe une soirée ensemble et là elle se met a me parler du Petit Coloc… C’est alors que je lui dis : j’ai vraiment quelque chose à te dire… Moi aussi j’ai le H… On est du même clan ! J’ai alors ressentie un IMMENSE soulagement de ne plus me sentir comme une louve solitaire… Moi qui ne l’avait jamais dit, sauf à ma mère et mon chum qui me l’avait transmis (parce qu’en plus on est encore ensemble)!!!!!
C’est en lisant votre post que je me suis reconnue ayant vécu quelque chose de semblable !!! Ça fait tellement du bien sentir qu’on est pas seule la dedans. Si vous saviez à quel point votre blog est un baume pour l’esprit !
Encore une fois, je vous remercie d’exister 🙂
Maeva A.
avril 3, 2013 à 7:52
Marie-Eve
Quel beau blog! j’ai decouvert que j’avais l’herpes de type 2 aujourd’hui meme….:/ Quel choc ce fut pour moi d’entendre ce mot sortir de la bouche du medecin…je me suis effondree completement …j’ai eu ma premiere reaction la semaine derniere .. une semaine a vivre completement l’enfer en passant par toutes une gammes d’emotions.
Votre blog me permet de rire un peu car en ce moment je suis tres bouleversee … toutes sortes de pensees se bouscule dans ma tete , je vis milles et une emotion ! vous voir vivre avec l’herpes et accepter ainsi sa condition m’aide grandement.
j’ai tellement de question! tellement de crainte qui se developpe ! je suis une jeune maman d’une petite fille qui a peur pour son avenir… j’ai hate de poursuivre la lecture de votre blog il me permet de lacher prise quelques minutes et d’envisager l’avenir d’un autre oeil.
Merci encore!
Ps: desole pour l’ecriture pleins de fautes ! mon cell refuse de cooperer et de me faire les accents !!
mars 5, 2014 à 11:08
Valé
Marie-Eve, vivre avec cette sorte de maladie n’a rien de drole , surtout dans les premiers instants ou on le sait. On pleure, on se sent enragée , on peut rien y changer , a part envaler des petites pillules bleus , qui nous font sentir a peu pres normales. Je le sais , j’ai moi aussi ce petit bobo , qui parfois me fait presque oublier qu’il existe. Mon ancien copain l’avait et il me l’a caché, et finalement lorsque je l’ai su , il était un peu trop tard .Ca va faire trois ans bientot , et j’ai présentement un autre copain , je ne lui aie pas caché , et nous sommes ensemble depuis un an et demi , et nous prenons les précautions nécessaires et je ne lui aie pas transmis . J,avais toujours peur au début qu’il m’arrive avec ce petit bobo genant , mais rien de tel ne s’est produit et j’espere de tout coeur que ca n’arrivera jamais , et il ne le souhaite aucunemment non plus!
Tu vois , tout me semble plus facile a présent … je sais que ma vie ne s’est pas arreter a partir du moment ou je l’ai su… et je sais que je peux continuer ma vie , a avancer , qu’on retrouve un peu de sérenité une fois qu’on l’a dit , une fois qu’on n’est face , on respire un grand coup et on se lance … bref , c’qui est important la-dedans , c’est de ne pas le cacher .
J’avais cru que je ne baiserais plus de la meme facon , lorsque le bobo a sorti , que je n’aimerais plus de la meme facon le sexe , et que je m’en empecherais . C,est tout le contraire.
Je vis a 110% , je mord plus dans la vie , je suis plus fonceuse .
J’ai appris a vivre avec ce petit bobo , et je suis plus heureuse depuis que je sais vivre avec et ‘dealer’ avec ce petit inconvénient.
Ca ne nous empeche pas de vivre , reste qu’on aimerait mieux qu’il soit enfui a jamais dans nos petites cullottes , pour pas le faire attraper a d’autres ou a notre potentiel amoureux.
Mais une fois qu’on l’a comprit , accepté..
On se sent mieux !!!:)
mars 22, 2014 à 11:28
Bibou187
Petit question pour les personnes qui sont en couple comme Valé par exemple :Lorsqu’on dit prendre les précautions pour ne pas transmettre le virus au partenaire est-ce que ça veut dire que même en vie de couple il faudra toujours porter le condom ? Merci
mars 24, 2014 à 12:22
Bobette
Je suis en couple depuis maintenant près de quatre ans avec mon amoureux… Nous ne prenons plus de précautions. Je ne lui ai toujours pas transmis mais il est conscient du fait que ce soit possible et il ne s’en fait pas avec ça… Nous avons une sexualité tout à fait normale.
Tout est une question de tolérance, d’acceptation et, bien sûr, un choix de couple.
septembre 9, 2014 à 10:03
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